Les glaciers rocheux de Marinet
Haute Ubaye
Alpes de Haute Provence
Latitude 44° 33' 45'' N |
Agrandir la carte IGN d’après le site GÉOPORTAIL https://www.geoportail.gouv.fr |
L'itinéraire d'accès
aux glaciers rocheux de Marinet est ici :
lac Inférieur de Marinet (grand)
Comme nous l'avons déjà écrit (ici) la molécule d'eau, par ses propriétés physico-chimiques bien particulières, est dotée de qualités extraordinaires. Ainsi l'eau solide est un matériau viscoplastique"De « visqueux » et de « plastique », la viscoplasticité décrit la déformation inélastique d’un matériau sous l’effet d’une contrainte continue. Le matériau se comporte comme s’il était composé d'un solide plastique et d'un fluide visqueux où l'écoulement serait dépendant de certains paramètres." qui s’écoule par déformation, c'est-à-dire qui flue"Du latin « fluo », couler, le fluage caractérise la déformation lente d'un solide soumis à de fortes pressions qui le fait se comporter comme un liquide visqueux." juste sous l’effet de son propre poids. La glace peut être comparée à un liquide très visqueux capable de s'écouler le long d'une pente. Sa viscosité"Du latin « viscum », gui, glu, la viscosité représente la résistance d’un fluide ou d’un solide à l’écoulement.", très élevé, est dépendante de la température : 1,5 x 1013 Pascals.seconde à -13°C. C'est à dire 1016 fois plus que celle de l'eau liquide à 0°C ! La glace se déplace non pas parce qu'elle fond, mais parce qu'elle se comporte à la manière d'un liquide. Lorsque la température annuelle est inférieure à 0°C, la neige qui s’amasse au cours du temps se tasse sous le poids des dépôts successifs et se transforme en glace. L'épaisseur de la couche ainsi formée, pourrait atteindre plus d'une dizaine de kilomètres, au fils des millénaires, si la glace restait figée ! Mais cette eau solide répond aux lois de la rhéologie"Du grec « rheo », couler et « logos », étude, la rhéologie est l'étude de la déformation et de l'écoulement de la matière sous l'effet d'une contrainte appliquée. La matière étudiée peut être liquide ou solide. Pour un solide, la déformation peut être cassante ou ductile." et s'écoule généralement le long d'une pente : c'est un glacier. Le glacier se forme dans une partie de l'appareil glaciaire nommée "zone d’accumulation" (chutes de neige). Des processus d’écoulement entrent alors en jeu et amènent l’excès de glace sous la limite des neiges persistantes (température annuelle ≥ 0°C). La glace fond dans ce secteur nommée "zone d’ablation". L'eau solide peut aussi être conduite dans une zone permettant le détachement de fragments du glacier, comme dans le cas des glaciers alpins suspendus. Généralement retenus par un verrou qui surplombe des pentes rocheuses escarpées, ces derniers ne possèdent pas de zone de fusion. L’ablation se fait par vêlage"Le vêlage est la perte de fragments par un glacier, sous forme d'icebergs qui se retrouvent dans une étendue d'eau (mer, lac proglaciaire, etc...)." de séracs"Du latin populaire « seraceum », « sérums », « petit-lait », le sérac est un fromage blanc fabriqué à partir de petit-lait (lactosérum). Par leur ressemblance à ce fromage, les blocs de glace provenant d’un glacier portent eux aussi ce nom.". Deux processus prédominent dans l’écoulement d’un glacier. Cependant la glace ne possède pas l'élasticité suffisante qui lui permettrait de mouler parfaitement toutes les formes de son lit d'écoulement. Les contraintes de cisaillement trop fortes la brisent : des crevasses se forment. Celles-ci ne restent ouvertes qu’en surface ou proche de la surface et ne dépassent pas la trentaine de mètres en profondeur. Plus bas, la glace flue"Du latin « fluo », couler, le fluage caractérise la déformation lente d'un solide soumis à de fortes pressions qui le fait se comporter comme un liquide visqueux." sous la pression de son poids, refermant tout début de fracturation. Cependant, dans la zone d’accumulation, la profondeur des crevasses peut atteindre le double de celle de la zone d’ablation. Ainsi la profondeur de la rimaye"Du latin « rimari », « fendre, ouvrir, fouiller », la rimaye est une large et profonde crevasse qui marque la frontière supérieure entre le rocher (ou la glace qui y adhère) et la glace en mouvement." atteint jusqu’à 60 m. (18) Trois
sortes de glacier peuvent être dénombrés : |
La
température du mélange glace-pierrailles est inférieure à 0°C. Lorsque le
manteau neigeux fond, au printemps, de l'eau s'infiltre entre les blocs et gèle
en profondeur. Le volume du mélange glace-pierrailles augmente : le glacier
s'écoule alors plus rapidement, sous l'effet de son propre poids. Un glacier rocheux fonctionne
ainsi, à vitesse maximale, pendant une quinzaine de jours en fin de printemps, avant de retrouver son
volume initial théorique (3). |
Les glaciers
de la Haute Ubaye ont connu leur dernier grand maximum d'extension à la fin de
la dernière glaciation globale du Quaternaire"Depuis 2009, le Quaternaire n’est plus une
Ère géologique : il est devenu une période du Cénozoïque.". Cette glaciation, nommée Würm"La dernière glaciation (Würm), qui a duré environ 100 000 ans, commence vers -115 000 ans. Pourtant, au début, le climat reste clément avec notamment un épisode chaud vers -80 000 ans. La période véritablement froide débute vers -75 000 ans. La glaciation se développe surtout dans l’hémisphère nord car au sud la formation de la calotte est limitée par la taille du continent Antarctique. Le maximum würmien est atteint vers -20 000 ans, où le niveau des océans est environ 120 m plus bas que celui de nos jours, et le volume total de glace est 2,5 fois plus important (75.106 km3) que le volume actuel (30.106 km3). La glaciation s’achève vers -12 000 ans. La fonte est alors très rapide et s’accompagne d’une montée du niveau marin de 140 m en 3 000 à 4 000 ans. De nos jours, le versant NORD du chaînon de l'Aiguille de Chambeyron (3 412 m), loge encore deux minuscules glaciers de cirque, les plus méridionaux des Alpes françaises (16). Ils dateraient de 10 000 ans BP (10) ou plus vraisemblablement du Petit Âge Glaciaire (15). Bien que sporadiquement étudiés depuis le XIXème siècle, ces glaciers "blancs" ne bénéficient des premières mesures topographiques, géophysiques et de bilan de masse, qu'entre 1984 et 1997 (15). Leurs moraines"Emprunté au savoyard morêna, «renflement qui se forme à la lisière inférieure d'un champ en pente par suite de la descente de la terre», une moraine désigne un amas de blocs et de débris rocheux entraîné par le mouvement de glissement d'un glacier (moraine mouvante), et apparaissant lors de son retrait ou s'accumulant sur les bords, le centre ou l'extrémité inférieure de celui-ci (moraine déposée)." respectives se sont transformées en de spectaculaires glaciers rocheux, aux fronts lobés, dont les extensions s'étirent jusqu'au fond du vallon de Marinet (4) (5). L'avancée de ces glaciers, plus rapide le long de l'axe central que sur les marges latérales, provoquent le froncement de leurs surfaces ainsi que la formation d'une série d'arcs pseudo-morainiques emboités (5) (7). Les glaciers rocheux se nomment respectivement "Marinet I" pour le plus occidental et "Marinet II" pour le plus oriental. Ils se sont tous les deux immobilisés dans des zones lacustres (14). En 1985, le glacier rocheux de Marinet I (OUEST) s'étire sur une longueur de 700 m depuis ses racines à 2 750 m d'altitude jusqu'au petit lac inférieur de Marinet (2 532 m), bordé de prairies marécageuses et situé au fond du cirque. La largeur moyenne de ce glacier est de 300 m. Avec une épaisseur moyenne estimée de 40 m, le volume total de matériel mis en place serait au minimum de 10 ou 15 millions de m3 (13). Le glacier rocheux de Marinet I (OUEST) plonge d'une quinzaine de mètres sous les argiles"Du latin «argilla», argile, l'argile désigne une famille de minéraux, les silicates SiO4, ou une particule dont la granulométrie (dimension) est inférieure à 4 microns." qui tapissent le fond du petit lac inférieur éponyme, aux eaux laiteuses (14). Des mesures effectuées à l'époque, montrent déjà que ce glacier rocheux n'est plus alimenté en glace. La partie médiane de sa langue contient un grand pan de débris dégelés. Son front s'est immobilisé et, à l'aval, le noyau gelé hérité est en train de fondre (10) (14). Le glacier rocheux de Marinet II (EST) a, quant à lui, comblé le lac qui se situait à l'aval de sa langue (14). Les conditions nécessaires à l'activité des glaciers rocheux de Marinet, année après année, ne sont pas remplies (13) (14). En effet, la Haute-Ubaye est affectée d'un climat de marge méditerranéenne aux précipitations médiocres (788 mm/an à 1 700 m d'altitude) et aux étés chauds. Ainsi, le fameux isotherme -2° C, indispensable à l'activité d'un glacier rocheux, se situe vers 2 750 - 2 800 m, c'est à dire aux racines mêmes des glaciers rocheux de Marinet, dont les corps se trouvent ainsi entièrement au-dessous de cette limite thermique déterminante. Leurs activités respectives semblent bien improbables (13) (14). Et ce phénomène n'est pas nouveau : des documents anciens (cadastre de 1842, minutes des cartes de 1854 et 1894) attestent que les deux glaciers rocheux de Marinet occupaient sensiblement leurs emplacements actuels (13) au XIXème siècle ! |
N°1 d’après le site LA GÉOMORPHOLOGIE GLACIAIRE http://www.geoglaciaire.net/ de Claude BEAUDEVIN Copyright ©
N°2 Regula FRAUENFELDER et
Isabelle ROER (Traduction et adaptation française : Reynald DELALOYE)
(2007)
N°3 FISCHESSER Bernard (2018) N°4 d’après le site GEOL-ALP www.geol-alp.com de Maurice GIDON, Copyright © N°5 d’après le site GEOL-ALP www.geol-alp.com de Maurice GIDON, Copyright © N°6 d’après le site GEOL-ALP www.geol-alp.com de Maurice GIDON, Copyright © N°7 d’après le site GEOL-ALP www.geol-alp.com de Maurice GIDON, Copyright © N°8 d’après le site GEOL-ALP www.geol-alp.com de Maurice GIDON, Copyright © N°9 d’après le site GEOL-ALP www.geol-alp.com de Maurice GIDON, Copyright ©
N°10 Pierre COSTE, Michèle ÉVIN (1990))
N°11 PERRUCHOUD Eric (2007)
N°12
ÉVIN Michèle, ASSIER A. (1983)
N°13
ÉVIN Michèle, de BEAULIEU
Jacques Louis (1985)
N°14 ÉVIN Michèle, ASSIER Alain, FABRE Denis (1990) N°15 BUCKEL Carole (2010)
N°16 ASSIER Alain (2014)
N°17
LAVIGNE F and al. (2013)
N°17'
Courbe des températures historiques reconstituées
N°18 RENARD M, LAGABRIELLE Y, MARTIN E, RAFÉLIS M (2018)
N°19 CANALE
L, COMTET J, NIGNÈS A, COHEN C, CLANET C, SIRIA A, and BOCQUET L (2019) |
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