Les lacs de montagne : de la molécule d'eau à l'écosystème
Difficile de donner la définition d’un lac ! Consensuellement, un lac (du latin « lacus », cavité remplie d’eau) peut se définir comme une étendue d’eau sans communication avec la mer. Son étude porte le nom de limnologie (du grec « limne », lac, et « logos », discours). Pour qu’un lac se forme, l’eau doit s’accumuler soit dans une cuvette qui la recueille, soit derrière un barrage qui s’oppose à son écoulement. On distingue ainsi les lacs de dépression (tectonique, volcanique, météoritique, karstique"Karstique qualifie la topographie originale (grottes, gouffres, résurgences) due à l’érosion d’une région calcaire où le drainage souterrain est prépondérant. Cette forme de relief tire son nom de plateaux calcaires situés à la frontière de l'Italie, de la Slovénie et de la Croatie : le Karst (Karst, en allemand; Carso, en italien; Kras, en slovène; Krsen, en croate)." et glaciaire) et les lacs de barrage (d’effondrement, volcanique, artificiel et morainique). Un cours d’eau qui alimente un lac en amont est appelé tributaire"Latin tributum, "contribution, quote-part".". Celui qui déverse le lac en aval est nommé émissaire"Du latin emissarius, "envoyé", un cours d’eau qui déverse le lac (en aval) est nommé émissaire." ou exutoire"Du latin exutus, "dépouiller, débarrasser", un cours d’eau qui déverse le lac (en aval) est nommé exutoire.". Un lac qui n’évacue pas son eau est qualifié d'endoréique"Du grec rhein, "couler" et éndon "à l'intérieur", un lac est qualifié d’endoréique lorsqu’il évacue son eau uniquement par évaporation ou infiltration.". Dans les Alpes, les lacs naturels actuellement visibles se sont formés, dans leur grande majorité, depuis la fin de la dernière grande glaciation (Würm"Pour la partie alpine et aux alentours du 45ème parallèle, la dernière glaciation (Würm) débute voici 70 000 ans et s’achève il y a 20 000 ans."), il y a 20 000 ans BP"Before Present, AVANT LE PRÉSENT, c'est-à-dire avant le 1er janvier 1950 (noté BP dans la nomenclature de datation internationale)." (MAYSTRE, D.H. et VERGAIN, J., 1992 - Les dépôts glaciaires et proglaciaires dans la partie occidentale du Bassin Genevois : genèse et chronologie. Eclogæ geol. geol. Helv., 85/1, 169-194.).
Pour peu que
leur altitude ne dépasse pas 2 600 m,
avec une exposition et
des conditions climatiques favorables, les lacs,
et plus singulièrement les lacs de montagne, offrent non seulement une
possibilité d’accueil pour des organismes vivants, mais permettent aussi
l’épanouissement de la biodiversité"« La biodiversité traduit toute la richesse du monde biologique. Elle ne se limite pas à la simple diversité des espèces. Elle englobe toute une série de niveaux d’organisation,
du plus petit avec la diversité génétique, jusqu’à l’échelle plus large de la structuration des écosystèmes. »
SEULE matière de notre environnement naturel, que l’on trouve couramment dans l’un des trois états physiques (solide [glace, neige], liquide et gazeux [vapeur]), l’eau est une substance ubiquitaire"Du latin ubique « partout, en tout lieu », ubiquitaire qualifie ce qu'on rencontre de partout. L'eau est une molécule ubiquitaire.". Elle est une partie intégrante et indissociable de la Vie ; mais c’est avant tout, une molécule"Une molécule est constituée d'au moins 2 atomes unies par une ou plusieurs liaisons covalentes." exceptionnelle dotée de qualités extraordinaires. Formée par deux liaisons covalentes"La liaison covalente est une liaison chimique forte entre 2 atomes qui mettent en commun une ou plusieurs paires d'électrons de valence ou électrons périphériques." entre un atome"L'atome (grec ancien ἄτομος [atomos], « insécable ») est la plus petite partie d'un corps simple, possédant les propriétés de l'élément auquel il appartient, et pouvant se combiner chimiquement avec un autre atome." d’oxygène et deux atomes d’hydrogène, la molécule d’eau (H2O), bien qu’électriquement neutre, possède un moment dipolaire"Une molécule présente un moment dipolaire lorsque le barycentre des charges positives est distinct du barycentre des charges négatives." (dont la valeur est de 1,85 debye [en système CGS] [soit 5,06.10-30 coulomb mètre en unités SI]). C’est à dire qu’en absence de tout champ électrique, à certains endroits apparaissent des charges positives tandis qu’à d’autres endroits des charges négatives se forment. En effet, la région de la molécule occupée par l’oxygène, qui est l’élément"Un élément chimique est défini par son numéro atomique : même nombre de protons, même nombre d'électrons. Il est représenté par un symbole qui permet de l'identifier." le plus électronégatif"L'électronégativité est l'attraction exercée par un atome sur les électrons qu'il met en commun avec un autre atome, dans le cadre d'une liaison covalente." (-3,5) après le Fluor (-4,0), attire à elle les électrons"Un électron est une particule élémentaire, de charge négative, gravitant autour du noyau de l'atome." et possède ainsi une charge partielle"Une charge partielle est une charge électrique inférieure, en valeur absolue, à la charge de l'électron. Elle est notée δ- lorsqu'elle est négative et δ+ lorsqu'elle est positive." négative (δ-). Par conséquent, les régions où se trouvent les atomes d’hydrogène ont une charge partielle positive (δ+).
Il en résulte que lorsque deux molécules d’eau se
rapprochent l’une de l’autre, l’atome d’hydrogène d’une molécule subit
l’attraction de l’atome d’oxygène de la molécule voisine. Chaque molécule
peut ainsi former ce qu’on appelle des liaisons hydrogène"Une
liaison hydrogène est une liaison chimique faible qui se produit lorsqu'un atome
d'hydrogène, déjà lié de manière covalente à un atome électronégatif, subit
l'attraction d'un autre atome électronégatif." avec une, deux, trois
ou quatre molécules voisines. Au plus la température de l’eau liquide est basse,
au plus le nombre de liaisons hydrogène est élevé. À 0°C, chaque molécule d’eau
est liée en moyenne à 3,5 molécules voisines. Le maximum de quatre liaisons hydrogène pour
chaque molécule est atteint dans l’eau solide (glace). (STONE Anthony [2013] — The Theory of Intermolecular Forces
— Éditeur : Oxford University Press — 2ème édition — 352 pages) (LEHNINGER Albert Lester
[1981] —
Biochimie — Éditeur : Flammarion-Médecine-
Ce sont les liaisons
hydrogène qui permettent un agencement, une structure organisée des molécules et,
par-là même, donnent à l’eau ses propriétés extraordinaires, comparativement aux autres
corps : L’eau liquide reste ainsi "compacte" et ne s’évapore pas facilement. Elle absorbe aussi beaucoup de chaleur et la restitue lentement. Concrètement, l’eau stabilise les températures sur Terre et permet, toujours grâce à ses liaisons hydrogène, aux océans et aux lacs de ne pas geler complètement lorsque la température de l’air descend au‑dessous de 0°C. Alors que toutes les substances à l’état liquide, à l’exception de l’Argent et du Bismuth, se contractent lorsque la température diminue et acquièrent ainsi une masse volumique"La masse volumique d'une substance est la masse d'une unité de volume de cette substance." plus grande à l’état solide qu’à l’état liquide, l’eau procède de manière opposée : au lieu de tomber au fond de l’eau, la glace flotte ! Nous sommes habitués, dans la vie de tous les jours, à voir la glace flotter sur l’eau liquide, mais d’un point de vue physico-chimique, ce comportement est vraiment très surprenant. Il résulte encore une fois de la capacité de l’eau à former des liaisons hydrogène. Lorsque la température descend au-dessous de 0°C, chaque molécule d’eau se lie à quatre molécules voisines et un réseau cristallin"Un réseau cristallin est un solide dont les constituants (atomes, molécules ou ions) sont assemblés selon un motif tridimensionnel répétitif.", appelé glace, se forme. Les liaisons hydrogène, plus nombreuses dans la glace que dans l’eau liquide, gardent les molécules "éloignées" les unes des autres : la glace occupe un volume de 9% supérieur à celui de l’eau liquide, la masse volumique de la glace est inférieure de 8,3% à celle de l’eau liquide, la glace flotte sur l’eau liquide.
CECI EST MAGNIFIQUE. Si la glace tombait au fond de l’eau, les lacs et même les océans gèleraient entièrement. L’été, seulement quelques centimètres sous la surface des océans dégèleraient. La Vie sur la Terre n’aurait pas la forme que nous lui connaissons aujourd’hui. Heureusement pour nous, lorsqu’une étendue d’eau profonde se refroidit, la glace qui flotte en surface isole l’eau liquide qui se trouve dessous, l’empêche de geler et permet ainsi à des êtres vivants d’évoluer sous la surface. ET CE N’EST PAS TOUT ! Il est déjà merveilleux de constater que la vie est
possible sous la glace, mais si l’eau liquide, comme toutes les substances
liquides, connaissait sa densité"La densité d'une substance correspond au rapport de la masse volumique, de cette
substance, par la masse volumique de l'eau pure à une température de 4°C. La densité n'a par conséquent pas d'unités." maximale juste avant son changement d’état"Une substance peut passer de l'état gazeux à l' état liquide ou solide, de l' état liquide à l'état gazeux ou solide, de l'état solide à l'état gazeux ou liquide : ce sont des changements d'état.", la
température des lacs, sous la couche de glace, serait de 0°C, uniformément, dans
toute leur profondeur. La vie dans un lac de montagne, en hiver, serait plus ou
moins « figée » et surtout, les espèces endémiques"Une espèce animale ou végétale est qualifiée d'endémique lorsqu'elle n'existe que
dans une région géographique spécifique et relativement petite." au
lac ne connaîtraient pas une telle biodiversité"« La biodiversité traduit toute la richesse du monde biologique. Elle ne se limite pas à la simple diversité des espèces. Elle englobe toute une série de niveaux d’organisation,
du plus petit avec la diversité génétique, jusqu’à l’échelle plus large de la structuration des écosystèmes. »
Comme l’eau connaît sa masse volumique maximale à 4°C, les eaux d’un lac de montagne s’échelonnent verticalement selon un gradient de température, été comme hiver. C'est seulement au printemps et à l’automne, que les eaux d’un lac se mélangent, lorsque la couche superficielle atteint 4°C.
Grâce
aux propriétés physico-chimiques de la molécule d’eau, les lacs d’altitude
connaissent une stratification verticale de leurs eaux selon la température. Ils
voient ainsi une distribution des
communautés"En écologie, la communauté correspond à l'ensemble des populations de différentes espèces
habitant une aire donnée, et qui interagissent." (ensemble des populations"Du latin tardif « populatio », « population, gens, peuple, foule », une population est un groupe d'individus de la même espèce vivant sur une aire géographique donnée à un moment précis. Il existe ainsi plusieurs zones :
Lorsqu’elle pénètre dans le lac, la lumière du soleil est absorbée par l’eau et par les particules et les organismes en suspension : l’intensité lumineuse décroît avec la profondeur. Dans une zone supérieure, appelée EUPHOTIQUE (grec eu, bien ou vrai et photos, lumière), l’illumination permet la photosynthèse. Dans une zone inférieure, sombre, appelée APHOTIQUE (grec a, sans et photos, lumière), les rayons lumineux ne pénètrent pas. Toute la surface de la cuvette du lac, indépendamment de sa profondeur, est recouverte d’une couche de sédiments organiques et inorganiques : cette zone est appelée BENTHIQUE (grec benthos, profondeur). Les organismes qui y vivent, portent le nom de BENTHOS (grec benthos, profondeur). La matière organique morte est nommée DÉTRITUS (latin detritus, broyé). Ces détritus proviennent de la zone euphotique et constituent une importante source de nourriture. Dans la zone proche de la rive, l’eau est peu profonde, bien éclairée et plus chaude. Des plantes aquatiques peuvent être présentes. Cette zone est appelée LITTORALE (latin litus, rivage). Loin de la rive, les eaux superficielles et bien éclairées contiennent, entre autres, des Algues"Les Algues forment un groupe hétérogène d'organismes unicellulaires, qui comme les Végétaux, effectuent la photosynthèse." et des Cyanobactéries"Une Cyanobactérie est une Bactérie qui effectue la photosynthèse." qui effectuent la photosynthèse"La photosynthèse (du grec φῶς phōs « lumière » et σύνθεσις sýnthesis « combinaison »), qui s'effectue chez les Végétaux, les Algues et certaines cellules Procaryotes, est la conversion de l'énergie lumineuse en énergie chimique. Cette dernière est emmagasinée dans des glucides et d'autres molécules organiques, avec accessoirement dégagement de dioxygène.". Cette zone est appelée LIMNÉTIQUE (grec limnos, lac). Entre la zone limnétique et la zone benthique se situe la zone PROFONDE.
On lit souvent sur Internet et sur certains livres d’écologie"Du grec oikos « maison » et logos « discours », l'écologie est étymologiquement le discours sur notre maison à tous : la Terre. D'un point de vue scientifique, elle étudie les interactions entre les organismes, d'une part, et entre les organismes et leur milieu, d'autre part." traitant des
biomes"Du
grec « bios », vie, et « ôma », processus, étymologiquement « processus de vie », un biome constitue un ensemble d'écosystèmes variés qui occupe une vaste étendue géographique et qui se caractérise par des conditions
climatiques uniformes." aquatiques, que ces phénomènes de gradient thermique, et par‑là même, de
zones de distribution de
communautés"En écologie, la communauté correspond à l'ensemble des populations de différentes espèces
habitant une aire donnée, et qui interagissent." (ensemble des populations"Du latin tardif « populatio », « population, gens, peuple, foule », une population est un groupe d'individus de la même espèce vivant sur une aire géographique donnée à un moment précis. |
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